Dans un monde interconnecté où les frontières entre vie professionnelle et personnelle s’estompent, la question de la place des discussions politiques en rendez-vous commercial. Traditionnellement tabou dans la sphère professionnelle occidentale, notamment aux États-Unis où le No politics, no religion prévaut, ce sujet semble connaître une évolution en France. Pour les commerciaux, et particulièrement les directeurs commerciaux, ce glissement pose des défis inédits.
La neutralité politique, atout commercial indéniable
Dans un paysage social de plus en plus polarisé, le maintien d’une stricte neutralité politique dans les interactions professionnelles s’avère être un véritable atout commercial. Cette approche, loin d’être un simple évitement, constitue une stratégie délibérée visant à préserver l’intégrité des relations commerciales.
En effet, en s’abstenant d’aborder des sujets politiques potentiellement clivants, les commerciaux se prémunissent contre le risque de désaccords qui pourraient ternir la relation client. La confiance, pierre angulaire de toute transaction réussie, se trouve ainsi préservée, permettant de maintenir un focus sans faille sur les besoins réels du client et les solutions proposées.
Les Français et les sujets politiques au travail
À la question « Peut-on parler politique au travail ? », les Français répondent globalement « oui » !
Un sondage de LinkedIn Actualités mené en 2022 montre en effet que 52% affirment qu’il est possible de parler politique au travail dès lors que c’est fait avec diplomatie. 13% s’avèrent encore plus confiants, attestant que « oui, sans problème », les sujets politiques peuvent s’inviter dans les conversations professionnelles. Des résultats qui corroborent ceux d’une autre étude, menée par OpinionWay pour Les Echos en juin 2024, qui révèlent que 51% des Français évoquent bel et bien des sujets politiques avec leurs collègues.
Cette neutralité renforce également l’image de professionnalisme du commercial. Elle démontre sa capacité à transcender ses opinions personnelles pour se concentrer exclusivement sur les intérêts de l’entreprise et du client. Dans un monde où la réputation est un capital précieux, cette posture peut faire la différence entre un contrat signé et une opportunité manquée.
Politique au bureau, un risque à ne pas sous-estimer
Cependant, malgré les avantages évidents de la neutralité, la réalité du terrain peut parfois rendre difficile l’évitement total des sujets politiques. Il est donc crucial de comprendre les risques associés à ces discussions pour mieux les gérer. Le premier risque, et non des moindres, est commercial. Une prise de position politique maladroite peut aliéner des clients potentiels ou existants, entraînant des pertes financières directes.
Au-delà de l’impact direct sur les relations clients, le risque réputationnel ne doit pas être négligé. À l’ère des réseaux sociaux, une déclaration politique controversée peut rapidement devenir virale, affectant l’image de l’entreprise bien au-delà du cercle immédiat des interlocuteurs. La perception publique de l’entreprise, construite patiemment au fil des années, peut être durablement altérée par une prise de position mal calculée.
Lire aussi : Comment Motiver Vos Commerciaux Seniors
Enfin, le risque juridique ne doit pas être sous-estimé. Bien que la liberté d’expression soit protégée, y compris en entreprise, elle n’est pas sans limites. Des propos excessifs ou discriminatoires peuvent exposer l’entreprise à des poursuites judiciaires. Il est crucial de rappeler que la loi interdit formellement toute incitation à la haine raciale, même dans le cadre de discussions politiques apparemment anodines.
La formation des équipes commerciales, clé de voûte d’une approche professionnelle
Face à ces enjeux complexes, la formation des équipes commerciales devient un impératif stratégique. Il ne s’agit pas d’interdire les discussions politiques, mais de doter les commerciaux des outils nécessaires pour naviguer habilement dans ces eaux parfois troubles.
Le développement de compétences en communication non verbale et en gestion des situations délicates est essentiel. Les commerciaux doivent être capables de détecter les signes avant-coureurs d’une conversation qui dévie vers des terrains politiques sensibles et savoir rediriger poliment la discussion vers des sujets plus neutres, sans froisser leur interlocuteur.
Lire aussi : En période de crise, il faut donner du sens et un cap à ses commerciaux
Par ailleurs, l’élaboration de guides de conduite clairs est également cruciale. Ces documents doivent fournir des directives précises sur les sujets à éviter et proposer des stratégies pour maintenir une conversation professionnelle et productive. Ces guides doivent être régulièrement mis à jour pour refléter l’évolution du contexte sociopolitique, garantissant ainsi leur pertinence continue.
Enfin, la sensibilisation aux valeurs de l’entreprise joue un rôle central dans cette formation. Les équipes commerciales doivent être les ambassadeurs de ces valeurs, capables de les incarner dans chaque interaction sans pour autant tomber dans le piège des discussions politiques.
En conclusion, bien que la société française semble ouverte aux discussions politiques, y compris dans la sphère professionnelle, les risques associés à ces échanges dans un contexte commercial restent élevés. Pour les directeurs commerciaux et leurs équipes, la prudence reste de mise.
Laurent Tylski est fondateur de Acteo Consulting. Il accompagne les membres directions, cadres et managers d’entreprises en leadership et en management. Coach politique, il intervient également auprès de ministres, députés, maires et hauts fonctionnaires d’état.